Lever à 6h, le temps de déjeuner, faire la toilette, finir de préparer mon sac, couper les batteries et fermer le bateau, je suis prêt quand arrive la pirogue qui me prend avant d'aller rejoindre le ponton pour récupérer tout le groupe. Il s'agit de 2 familles distinctes, une simple, parents et enfants, l'autre élargie avec grands parents, enfants et petits-enfants. Sur la pirogue il y a le piroguier, Chéné, qui la conduit, Séké qui est le patron et Ouido à l'avant qui est un frère de Séké qui aide dans les manœuvres avec une rame ou un bâton selon les circonstances et fait la cuisine, parfois tout en étant sur la pirogue quand le fleuve est calme où qu'il n'y a pas de manoeuvre d'accostage ou d'évitement.

Les sacs enveloppés dans un bâche, nous prenons nos places et nous partons. La pirogue est très rapide. Séké, qui nous explique beaucoup de chose pendant le trajet, me dit que nous nous déplaçons à 30km/h mais que quand elle est vide, ils peuvent aller jusqu'à 45km/h. Pendant le déplacement nous allons consommer 500l d'essence pour 400km. Il y a 2 énormes bidons à l'arrière remplis d'essence qui servent de réservoir.

Le Maroni est a un haut niveau, ce qui facilitera le passage des sauts.. Des le départ la pluie s'invite et les averses parfois intenses se succèdent. Les ponchos et parapluies sortent régulièrement. L'avantage ici c'est que l'on sèche vite.


Le long du fleuve vivent les amérindiens qui se composent d'ethnies différentes suivant leurs lieux d'habitation en remontant vers la source, et le bushinengués qui sont des marrons (descendants d'esclaves) qui ont décidé d'aller vivre dans la forêt et de retrouver leurs racines. Ils sont également composés d'ethnies différentes selon leurs positions géographiques sur le fleuve. Il parle leur propre langue dans laquelle on reconnaît des racines anglaises.

Séké est un bushinengué. Il a monté sa société petit à petit, il faisait partie d'un groupe de musique, a beaucoup voyagé en France, en Europe, et en Amérique au grès de festivals. Il ne peut vivre que sur le fleuve où il a grandi.

La descente est rythmée par des visites. La première est celle d'un village amérindien. L' abatti est le lieu de plantation, on y trouve le kalalou ou gombo, le manioc, différents cucurbitacées,les cacahuètes, les fruits et en liberté les poules. Les amérindiens pratiquent l'artisanat d'art, petits bijoux, tressages, … en général une activité de survie.

Le premier arrêt se fait da'nns un village amérindien.Séké nous fait découvrir diverses plantes parfois médicales, d'autres de culture alimentaire, Ou encore qui ont des propriétés cosmétiques naturellesLe manioc est la base de l'alimentation, après cuisson il est pressé dans une longue chaussette tressée appelée couleuvre. On récupère le bouillon pour faire cuire le poisson ou la viande ou faire des soupes après traitement pour enlever le cyanure qu'il contient.

Sur un poêle,une large tôle ronde sert à faire des galettes de manioc.Nous rencontrons à la fin la famille qui compose le village, ils sont peu nombreux, un jeune couple avec des enfants et une personne âgée. Nous échangeons un bonjour de politesse. Seke parle un peu avec eux mais les échanges s'arrêtent là .

Nous reprenons notre périple sous un déluge de pluie jusqu'à un village Bushinengué où une famille fabrique des pirogues. Chaque village n'est composé que d'une famille, d'après Séké, il n'y a pas de mariage car la polygamie fait partit des traditions ancrées. Il existe toute fois des personnes qui se sont christianisees qui se marient à l'église et en mairie et sont devenus monogames.pour éviter la consanguinité ils vont dans les villages voisins trouver leurs compagnes. Chacune vit dans sa propre maison avec ses enfants.

Cependant,Fred qui est gendarme sur l'Oyapock a la frontière avec le Brésil dit qu'ils ont de plus en plus de plaintes pour viols ou violences intrafamiliales, les langues se déliant. L'alcool est la souvent première composante des familles.

La fabrication des pirogues se fait en plusieurs étapes.Il faut couper un angélique qui a un bois très dur imputrescible. Il est travaillé et creusé a la tronçonneuse sur place. C'est un travail d'orfèvre car il faut que la coque fasse la même épaisseur partout pour ne pas craquer dans le traitement suivant

La pirogue est alors ramenée au village pour la suite sur des rondins qui roulent sur des branches parallèles. Si elle n'est pas travaillée de suite, elle est complètement immergée dans le fleuve en attendant la phase suivante pour protéger le bois des termites et pour qu'il ne durcisse pas plus.Là, pour écarter les bords, on met le feu dessus et dessous avec des bambous ou des planches.Le bois s'assouplit, il est écarté et maintenu à l'aide de morceaux de bois préformés. On laisse le tout se durcir à nouveau et ensuite on ajoute les côtés en bois imputrescible également moins dur que l'angélique. La jonction est étanchéifiée avec des bandes de fer blanc et du carton de même que toutes les fissures qui peuvent apparaître dans la phase de brûlage.Les pirogues peuvent mesurer

Jusqu'à 20 m de long et sont plus ou moins larges. Les plus grandes servent au transport de marchandises. En accouplant 2 pirogues, on peut transporter des pelleteuses, des camions, des voitures, tout matériaux de construction. Ce sont les camions du Maroni. Elles sont équipées de moteurs très puissants, couramment 200ch et plus. La casse d'hélice est fréquente car tout doit être fait pour sauvegarder la pirogue et le fret. Unepirogue se construit en une quinzaine de jour et coûte 7 à 8000 euros. Séké en possède une dizaine essentiellement pour le fret qui est la partie la plus rentable mais aussi pour le transport scolaire et pour les agences officielles.Celle sur laquelle nous naviguons fait 17m de long et a coûté 7000€ sans compter les agencements particuliers.La durée de vie d'une pirogue est d'environ 5ans et peut être prolongée de 2 ou 3ans en changeant les côtés. Ensuite elles sont laissées à l'abandon.Pour terminer la visite du village, Séké nous montre un lieu sacré fait pour chasser les mauvais esprits bquibest le lieu où le chaman vient soigner les malades.On retrouve cet édifice plus formel dans les plus gros bourgs où il a la même fonction.

Nous saluons les habitants avant de reprendre la piroLe long du fleuve, côté Suriname, de larges plaies béantes se font de plus en plus fréquentes. Ce sont des sites d'orpaillages.

Le Suriname a pris conscience des dégâts esthétiques de cette exploitation minière et a décidé d'y mettre fin le long du fleuve. Les entreprises devront trouver des sites plus à l'intérieur, moins visibles et déménager avant le 15 janvier 2022. Un certain nombre de barges qui aspirent le fond du fleuve à la recherche d'or ont déjà été détruites par le feu et coulées. Il en restent quelques une plus en amont qui devraient subir le même sort.Cette activité est la cause principale de la couleur du Maroni. Avant il était plus clair. Mais c'est une source de revenus non négligeable pour le Suriname qui voit par ailleurs se développer les forages pétroliers suite à la découverte d'immenses ressources sur son territoire.

Un petit arrêt dans un village au Suriname pour compléter le plein d'essence. Il y a des "stations" tout du long du fleuve au Surinam où le prix du carburant est 2 fois moins cher qu'en Guyane (0,75€ le litre au lieu de1,60€).Une pompe dans la cabane ci dessus des bidons derrière et un tuyau avec pistolet au bord du fleuve. Si le pistolet est boueux, on le rince dans le fleuve et on fait le plein après.Qui parle de dangereux? 😥...

Tranquille !!🤫


L'étape suivante est un village au Suriname où la soeur aînée de Séké travaille dans un dispensaire. La frontière est très perméable ici. Il est fréquent que les installations institutionnelles soient utilisées par les 2 rives, écoles, dispensaires de même pour les commerces. Les enfants français qui vont à l'école au Suriname apprennent le Hollandais et l'anglais en plus du Bushinengué et les enfants du Suriname apprennent le français en plus du Bushinengué. Séké laisse une enveloppe à sa sœur, son activité fait vivre un tas de personnes le long du fleuve. Pas de visite ici.

Pour le repas de midi, vu que le temps est incertain, nous allons dans le village d'un oncle de Séké.C'est un lieu prisé de villégiature les weekends.Les gens viennent y faire la fête, dormir en carbet.Le repas est composé de salade de couac et de poisson de mer boucané.

Nous repartons vers Apatou, gros bourg français pour une visite Dans le bourg subsiste des maisons traditionnelles avec des peintures aux significations codifiées sur les portesOn retrouve ce genre de peinture dans les "ciels" de carbet.De là, nous reprenons notre pirogue pour un après midi moins chargé, après une heure de navigation, une pause pipi baignade nous est proposée sur, selon Séké la plus belle plage du mondeL'envie n'étant pas là je suis resté sur le bord.

Pour finir nous nous rendons à wadaa lodge au village de Paramaka Lola Loka au Suriname pour le repas du soir et passer la nuit.

.Nous dormons dans des petites maisons en bois au confort rustique mais suffisant. un bloc sanitaire avec douche et WC permet de subvenir à l'essentiel.

Je bénéficie d'une maisonnette pour moi seul. Le soir un repas festif se prolonge en discussions autour de ti-punch histoire de faire fondre la glace. Les langues se délient et des amitiés nouvelles se tissent. Un coucher un peu tardif préfigure une nuit pâteuse et un sommeil lourd.