Ce matin, debout de bonne heure pour faire le change d'argent. J'ai mal dormi, douleur de vieillerie au pied," vieillir c'est pourrir un peu" une maxime qui se vérifie plus pour certains que pour d'autres, mais vérifiable au quotidien pour tous. Mon vigile amateur de café, dont il est privé, est pris au dépourvu et ne peut pas sortir le mois et demi de salaire nécessaire. Je lui propose de ne changer que 20 dollars. Il me donne en échange 1300 peso. Ce n'est pas une affaire pour moi mais bon s'il peut offrir un peu de mieux à sa femme et ses enfants ça me va, moi ça ne changera pas fondamentalement ma vie. Je lui offre un café et me sens en porte-à-faux dans une situation pareille. Je ne suis pas riche, lui encore moins que moi ...mais au final je change un mois de salaire pour lui sur un billet pour faire un appoint de courses pour 3 semaines pour deux personnes

C'est quoi l'équation ? Tous les prolos du monde? Ils ne sont pas vraiment égaux. Comme disait Coluche, il y en a qui le sont plus que d'autres. Comment mettre en place une solidarité internationale, comment permettre un minimum de rêve et de confort sans tomber dans le consumérisme capitaliste? Les Cubains ont des libertés que nous ne connaissons pas mais sont asphyxiés au quotidien par l'ennui. L'esprit latino influencé par le bling bling est un handicap à la satisfaction des aspirations individuelles. Où est l'équilibre entre liberté collectives et individuelles ? Il y a ici une belle jeunesse et une belle aptitude à parler, communiquer sur tout les évènements quotidiens, c'est à dire tout ce qui devrait inspirer la politique. Beaucoup d'aspirations sont étouffées, pas forcément celle de faire fortune mais celle d'offrir aux siens une image valorisante d'un minimum de confort et de fierté par rapport à la rémunération de son travail.

Cuba, République populaire et révolutionnaire a beaucoup souffert du blocus américain et personnellement,. Je pense que c'est une mauvaise chose car ce sont les gens de la base qui en ont le plus souffert. Cette politique est le berceau de la corruption. Je ne suis pas loin de penser que ce pays qui se dit celui de la liberté , je parle des Etats Unis, qui n'est que le pays de la liberté de posséder au dépends de l'intérêt commun détruit toute idée morale solidaire pour mieux satisfaire ses appétits financiers. Que d'autres pays tels la France n' aient pas le courage de s'opposer à cette politique perverse m'écoeure. A l'heure où l'équilibre du monde ne dépend que de 2 pays, je crois vraiment qu'il faut sortir des rails, inventer de nouvelles solidarités et éteindre les incendies nationalistes. Je vais quitter Cuba demain frustré, j'ai aimé les gens, leur sollicitude, j'ai été mis à mal par la corruption généralisée tout en en comprenant les raisons et la nécessité. J'ai été heurté par le contraste entre le quotidien du simple cubain et le paraître flamboyant et, comme tout ce qui est trop, écoeurant des vitrines politiques du pouvoir. Ici, et c'est heureux, éducation,santé et travail sont accessibles à tous gratuitement. Mais les maisons de la culture flambant neuves ayant des allures de temples, vides souvent, les organismes officiels bénéficiant de logements décents voir luxueux alors que beaucoup de familles vivent dans des taudis j'ai du mal à justifier. J'aime toujours ce pays surtout parce que j'y ai rencontré des personnalités attachantes. A côté de ça, il existe insaisissable, une tension permanente, une parano sociale et des pressions sur les individus sous jacentes qui font le terreau de toutes nos paranoïas profondes. Ça je pense que c'est politique.

Bon ce monde une fois refait en sirotant mes 2 l de bière commandés pour le repas, je peux dire que ce matin est consacré aux courses, 1,05€ pour 1kg de tomates, 2 concombres, une livre de poivrons et pareil de bananes légumes chez un petit détaillant. Nous sommes allés dans un super marché, police à l'entrée, vigiles avec obligation de laisser ses sacs à la consigne, vérifications de l'identité à la caisse et fouille des achats à la sortie et vérification de l'adéquation avec la note. Quelques conserves de légumes, de la purée en poudre, bref pas grand chose payé en caisse en dollars avec la carte bancaire pour 20€. Nous rentrons à la marina pour aller acheter des bouteilles d'eau de source: 25€ les 24 bouteilles. Voilà le grand écart. A midi nous allons dans le dernier restaurant de la marina où nous n'avons pas encore mangé. Nous commandons d'abord un distributeur de bière de 3l et des crevettes avec du riz Nous avons cette fois correctement mangé pour 5€ chacun, tout compris, au bar de la plage.

Simon me laisse seul a la fin du repas à contempler les gens qui se baignent et étancher mon envie de bière après quelques repas de frustration.

Je ne suis pas seul à boire la bière de cette façon, il y en a sur beaucoup de tables.

Vers 15h30, Simon vient me chercher pour aller au bureau payer la marina, mettre au point le ravitaillement en carburant demain et faire les papiers de sortie. Ceci fait les douches étant en travaux nous la prenons chacun notre tour dans le bateau. Ce soir les jeunes espagnols nous invitent à manger mais sur notre bateau qui est plus spacieux que le leur. Je prépare des crêpes Suzette en dessert. Autour du pot de pâtes bolognaises nous nous racontons et nous leur donnons notre reste de cash contre virement bancaire équivalent. L'un des deux veut rester pour se déplacer en randonnée avec son sac à dos. Le cash que nous lui donnons va lui permettre de le faire. Bonne soirée et bonne discussion. Nous leur laissons demain matin la carte sim Cubatel que nous venons de recharger.ils pourrons accéder plus librement à internet et recharger si nécessaire.

Après avoir finalisé nos arrangement, nous nous séparons et allons nous reposer pourpartir en forme demain.